Destination.Ailleurs

A la lettre L,

Je suis revenue voir Aaron, finalement. J'ai longtemps hésité avant de retourner lui prêter mes oreilles. Trop de souvenirs houleux.

Et finalement, j'arrive sur un boulevard gris noir. Un boulevard sur lequel marche un homme, de dos. Il est pas triste, il est à l'image de "son" boulevard. C'est comme çà que je vois le début de cette chanson. La musique, les retours, les rythmes. çà s'arrête dans les graves et çà remplit tout l'espace.

Je m'en fous de rien connaître à la musique. Mais les mots. Les musiques. Les voix. Les corps. Tout a une texture. Tout a une histoire. Tout a un passé, un présent et un futur. Même un mort. Même un visage recouvert par un mouchoir. Même un mouchoir qui ne se soulève pas, au niveau du petit monticule, le nez. Tout a une texture.

Reflet, miroir, fenêtre, porte. Qu'importe. Tous les mots ont une image associée, une signification, un rôle à jouer. Tellement étrange.

Comme cette petite fille dans ce film. Qui dit " .. je les vois. Les mots. Dans ma tête, ils sont là, lettre par lettre à se solidifier. "

Et Juliette Binoche. Quelle actrice. Mon dieu. Quelle actrice. En ce moment, je retombe dans les films français. A la pelle, on en a de très jolis comme de très moyens. Et.. Et, on peut pas comparer le cinéma américain, au cinéma français.

Le cinéma français a une personnalité. Une ambiance, une présence. Des mots, des phrases.
Le cinéma américain aussi. Mais le cinéma américain est lisse. Il se regarde quand on est trop fatigué.

Le cinéma français se regarde assis. Concentré, attentif. Bousculé.

Il y a un gouffre incroyable entre ces deux genres. Alors, oui, je ne crache pas sur certaines séries américaines. Elles sont bien, sympas, souriantes. Connes, peut être mais elles sont là et regardables pour les jours où. Mais les films français, çà..

Tout çà, pour dire quoi ? Que l'on a une bibliothèque hallucinante. Livres, DVDs, CD, vinyles. Amassés, entassés.

Un rêve empoussiéré serait de les retrouver. Tous dans une pièce. Recouvrant les murs. Partout. Partout. On aurait de quoi.

Il est minuit une.

Aujourd'hui, il a plu. Soleil, gris, pluie. Tout s'est succédé. D'habitude, il ne pleut jamais sur mes fenêtres.

Il a plu toute la journée sur mes fenêtres.

Et j'étais contente de cette pluie. Contente de me souvenir que je voulais faire des photos avec un parapluie à la main. Que je voulais sentir la pluie partout partout partout sur moi. Que les nouvelles photos allaient pouvoir se faire. Avec la pluie, la neige. Le vent, le retour du soleil.

J'aurais aimé pouvoir faire des photos comme Elles, ou Lui. En pleine nature, lâchée et libre.

Mais après. J'ai peur. 

J'ai mal aussi. çà tient depuis mercredi. Une douleur compacte dans l'estomac. Des fois, çà fait des pics à la con où je sers super fort les dents en me disant "putain mais c'est quoi ?". Pas envie d'aller chez le médecin. çà passe toujours, de toute manière.

Et sentir ses mains sur mon ventre. Nan.

Je dors mal. Réveillée chaque nuit par des cauchemars horribles. Réveillée persuadée d'être ailleurs que dans mon lit. Ou alors, dans mon lit mais ailleurs. Coulisse de cirque, cave poussiéreuse. Dormir nue comporte une nouvelle angoisse. Cette question lancinante et cette .. j'ai perdu le mot.. vulnérabilité. Être nue, dans un lieu inconnu. Comment faire? Où aller ?

Se réveiller en hurlant, les bras écartés à la recherche des murs d'une pièce qui n'existe que dans mes songes. C'est dur, compliqué.

J'ai rêvé de suppliciés se faisant martyriser. Me suis réveillée de force.

J'ai rêvé d'hommes nombreux et menaçants et moi, enfermée avec eux et nue. Réveillée en hurlant, persuadée de me faire violer dans les secondes qui suivront.

Chaque nuit apporte son lot de cauchemars. Mon esprit est riche en horreurs, il faut croire.

Mais, çà ne fait pas tout.

Il s'en fout. Mais complètement. Totalement.

Et pourtant, ben, je vis.

J'amasse des citations et des possibilités.

J'ai pas d'ambitions. Que des certitudes.

J'ai des projets. Quelques réalisations de faites.

Boulimie littéraire. Voilà, je lis quatre livres en parallèle.

Et j'ai tellement peu envie de les finir que j'en entame d'autres.

La logique, dans tout çà, m'échappe.

Je m'échappe tout court, finalement.

Je me lève avant le soleil, prends un train puant et grimpe des marches mouillées.

Souris, virevolte, amuse, conseille et se fait confier.

S'abandonne dans les mensonges en se disant " plus tard ".

Sentir poindre les mauvaises pensées, les mauvaises attitudes.

Se savoir pertinemment seule. Seule, jusqu'au bout.

Commencer à penser à sa vie en solo.

C'est bien d'être seule, finalement. Pas d'attaches, que toi.

Des parents pour lesquels tu ne seras qu'une déception quoique tu fasses, alors, quelle importance ?

Alors, j'aimerais tout faire exploser. Lol.

Ouais, j'aimerais bien.

Mais j'ai pas d'argent, je finis un projet déjà là, et j'ai des mensonges à recracher encore.

Seule. Seule. Seule. Seule. Terminus, tout le monde descend, moi, j'emmène le bus.

M'en veuillez pas, vous avez votre vie, vos amis, vos joies, vos peurs, vos doutes et votre confort. Moi, j'ai de place nulle part dans vos vies.

Moi, j'ai que dalle ici. Que dalle, que des planches branlantes auxquelles je me raccroche avec l'énergie du désespoir et qui me laisseront tomber à la première occasion.

Moi, j'ai que dalle. Rien. Et allez pas me dire le contraire. L'hypocrisie, çà ne vous va pas au teint. Je n'ai rien. Aucune place. QUE DALLE.

Alors, permettez moi de vous emmener à bon port, jusqu'à ce que je sois à court de carburant suffisamment puissant pour gérer vos attitudes.

Et puis, vous descendrez, tous ensemble et moi, je prendrais le bus.

Je pleurerai surement un chouya.

çà fait mal de tomber. Encore plus quand on scie la branche.

Oui, clairement, j'ai la haine. Mais vous savez quoi ? Finalement, çà me fait du bien.

Lol, elle m'a dit " Tu avais raison ". Une autre aussi me l'a dit. Ouais, j'ai trop raison. Je sais que les gens sont pas toujours heureux, c'est fou.

Et voilà, je me shoote à nouveau avec sa voix. Allez vous faire foutre. Oh oui, jouissance que de le dire. Te faire foutre, devrais je dire finalement.

Les gens ont le droit de faire la gueule, ont le droit de tomber. Les autres ont pas à les culpabiliser de faire de telles choses.

Certains peuvent vivre des choses incroyablement immenses et tomber comme des pierres peu après. çà se vérifie tous les jours.

Alors, ouais, les gens sont pas heureux.

Et j'en peux plus.

J'aimerais être Moi, tu vois. J'aimerais être Moi et savoir comment l'être.

J'aimerais arrêter cette dépendance de merde. J'aimerais ne pas être sur un siège éjectable à la con. Je voudrais une place claire dans ce monde. Un truc tracé à la craie.

Je veux manger chaque seconde de chaque minute à pleines dents. Je veux m'en prendre plein la gueule à l'infini. Mais seulement des vagues.

Je veux vivre avec les poissons. Je veux plus me casser le cul dans du gris et du macadam.

Je veux du bleu et du sable.

ARRETEZ DE ME FAIRE CHIER. 

Rha, putain de MERDE. 

J'ai même pas envie de pleurer en disant çà. Non, même pas.

J'ai juste un sourire qui me barre la figure. J'suis bien en disant çà.

ARRETEZ DE ME FAIRE CHIER.

Et arrête toi. Ouais, arrête toi. Moi, j'en peux plus. Arrête toi.
Arrête les jeux à double sens, les magouilles, les trucs qui servent à rien.
Arrête, sois honnête, franc. Montre que t'as des couilles.

Je voudrais arrêter d'être dépendante des Autres. Binomes de TP, groupe d'amis solides à la fac, tendances générales de la société. Il faut des "amis" sinon, tu fais "pitié". Sinon, t'es un "rejeté".

Bande de cons. J'ai encore des conneries à vomir. Des morales et des barrières.


Bande de cons, bande de cons, bande de cons, bande de cons.


Oui, j'ai besoin de personnes à côté de moi.

Mais plus çà va et plus je me dis que je me raccroche à des vestiges de temps anciens. Que plus rien n'a d'importance actuelle. Que les fossés sont teeeellement grands que ma tentative se teinte de pathétique.

Je suis bien avec elles, quand je les vois. Mais.. y'a plus grand chose. Que des mensonges qu'on accumule pour se cacher la vérité. Un peu plus, encore. On s'envoie des cordes de loin en loin. Pour faire "comme si". C'est d'un pathétique tel que je souris de traviole le plus souvent. 

On m'a dit que si je partais,  çà n'arrangerait surement rien à rien. Que je continuerais mon schéma d'isolement et que çà sera pareil quoi que je fasse. Que je fuis ou non. Que je resterai seule et que là, çà serait "complètement " seule.

Pars pas, çà sert à rien.

Bande de cons, bande de cons, bande de cons, bande de cons.

Juste le silence qui n'existe pas ici. Et surement que je pleurerai. çà, oui. Je pleurerai encore et encore. Pour laver tout ce moche intérieur. Je pleurerai ton départ aussi. Le mien, le vôtre.

Et je serai une fille qui "fait du bien". A des gens qui voudront avoir besoin de moi. 

çà fait si mal de savoir qu'on ne sert à rien. C'est mieux finalement de ne pas avoir cette vérité en face. La solitude, çà te permet de l'éviter.
çà te laisse quelques mensonges en tête mais à côté de çà, les premiers temps.. Quel pied.

Peut être que je commence à rater ma vie. Peut être que j'aurais une vie de merde. Une vie ratée.

J'ai peur de çà aussi. Rater ma vie, rester dans le circuit. Ne pouvoir en sortir.

Rater. Raté.

Ratée.

Nous ne devons pas laisser nos peurs ou les attentes de notre famille
établirent les frontières de notre destin.

McGEE

J'ai du choisir entre son monde et le monde réel
Numb3rs

Et tu sais le meilleur, elle n'était pas heureuse.
En ayant choisi le monde réel.
J'ai profondément aimé.
 
Chaque fois que j'écris ici, et pour de vrai, je me sens tellement.. explosive.
Libre et libérée. 
Cette sensation jouissive qui a accompagné de nombreuses journées ensoleillées.

Quand je me sens
Prête.

C'est pour çà que je redoute de venir ici.
Gâcher avec des mots moches
cet endroit
que je cherche avec tellement de force
à protéger,
Comme témoin
Passé et futur
de ce que pourrait être
une vie heureuse.

La discussion continue ailleurs...

Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://destination.ailleurs.cowblog.fr/trackback/3044009

 

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | Page suivante >>

Créer un podcast