Destination.Ailleurs

A la lettre L,

La fenêtre s'est refermée.
Il ne me laissera plus jamais l'approcher.
Et là, il fait soleil. Ma douleur s'est atténuée, j'ai moins mal partout. Je me suis cassée le dos en dormant sur leur canapé. Mais c'était pas grave. Pour toute la joie et l'apaisement qu'elles m'ont procuré, çà vaut tous les maux de dos possibles. Le soleil cogne sur ma vitre. Je brule pas, mais presque. Et je pense à l'été d'un coup. A toutes les petites étapes qu'il faudrait que j'arrive à surmonter. Toutes les petites envies, les petits plaisirs qui peuvent paraitre banals pour certains. Inimaginables pour d'autres. Et vice versa. Et çà va mieux. C'est l'angoisse qui me fait mal. Mais là, çà va mieux. Brièvement, peut être mais çà va mieux. Je prends le temps de lire, de me souvenir, de rester allongée et de penser à tout ce qui fait du bien. Juste, prendre le temps et arrêter de courir. Les cours reprennent Lundi. Mon angoisse et ma course perdue d'avance aussi. Mais c'est pas grave. Aujourd'hui, on est Samedi. Le soleil est là et bien là. Et çà fait comme un prémice d'été.
Aujourd'hui, on a été au restaurant.
çà a du être le plus mauvais anniversaire de ma cousine. Et surement que j'aurais mieux fait de rester au lit tellement les crampes que j'ai sont intenses et douloureuses. 
Mais non.
De ce repas, je retiens une fatigue infinie. L'éternel retard. L'éternel Décalage.
J'aime pas les repas de famille. J'aime pas les questions pièges. J'aime pas les pistons. J'aime pas qu'on me mette en face de ma différence.
Je retiens la froideur de cette femme. Le décalage digne de la fosse des Mariannes entre ma vision du monde, ma façon d'agir et la façon d'agir du monde qui se cotoyait à table. Je suis en décalé partout. Je n'en retire aucune fierté. Aucune honte. Je suis là et j'ai un décalage. On me l'a dit, on me l'a répété. Peut être que la connerie réside dans le fait de vouloir me faire adhérer au reste. Peut être bien que je suis vraiment faible d'esprit et que je ne contrôle finalement pas grand chose. J'ai peut être raté des leçons. J'ai peut être des "cases en moins". Peut être. C'est pas faute d'y mettre de la bonne volonté. Seulement. Seulement. Seulement.

Seulement, j'ai une liste et il faut que je coche cette action. " Reprendre pied ".
Je suis en colère. De nouveau. Je suis envahie par la colère, l'agressivité. L'envie de mordre, de faire mal. Le moindre mot me brûle comme au fer rouge. Je montre les dents. Et çà fait mal comme pas possible. Toujours, toujours, toujours. Ma sensibilité explose en ce moment. Proportionnelle à ma colère, elle me creuse le ventre. J'ai des idées de photos plein la tête. J'ai perdu mon corps mais les révisions l'ont malmené dans l'autre sens et je reviens un petit peu au point de départ. Je me suis dit, devant la déroute, que j'allais changer. Prendre de nouvelles résolutions. Faire une liste et cocher un par un. Alors je fais des listes et je coche, un par un. Aujourd'hui, je vais aller à un salon Etudiant, pour me renseigner sur les Masters. Hier, j'avais fait ma liste, et j'ai coché, un par un. J'ai tout réussi à faire. C'est déjà une première chose.
Ensuite, il y a l'histoire du site. Je pense photos, je pense Création. Je pense Récréation. C'est pas çà. Mais dans l'attente, j'apprends. Je complète mes connaissances, je m'entraine. Encore ici, il y a une liste. Peut être qu'elle ne servira à rien. L'avenir, on connait pas. Sauf certains trucs. Et pour le moment, j'attends d'avoir ma place.
Ensuite, il y a cette envie tenace qui me tient les tripes. çà fait plus d'un an. Plus d'un an que je crie sur tous les tons et sur tous les styles qu'il faut que je m'en aille. Pas pour fuir. Pas pour rejoindre. Non, il n'y a que Moi. Moi et ma survie. Moi et ma paix. Moi et tout ce que j'ai fait éclater au grand jour cet été. Y'avait Moi et j'étais en paix. Pour la première fois de ma vie. J'étais en paix. J'étais loin. J'étais partie.
Cette année, çà va être encore pire. J'ai tellement peur de l'échec. J'ai l'échec au front depuis tellement longtemps. Peut être parce que je me suis jamais donné les moyens. Peut être. Mais l'échec est là. 
Et l'enjeu est tellement grand. Je sais pas si j'arriverai à me relever. Si je prends un nouvel échec.
Alors pour le moment, je viens écrire ici. En essayant d'être claire. Sans penser aux yeux qui me liront. Parce qu'il me faut de l'air. Et je fais des listes. J'ai envie de participer. 
Je ne sais pas ce qui me calme. Je ne sais pas ce qui m'apaise. Ah si.
Faire à mon rythme. 
Arrêter de me ressentir minable. De ressentir que je ne vaux rien. Que je ne sers à rien.
Seule, on a pas tous ces problèmes. On est là et y'a personne d'autre. Et l'espace de quelques temps, tu peux te croire douée. Intelligente. Tu peux te croire bien. Tu peux te croire forte. Tu peux te croire à ta place. L'espace de quelques temps. Quand les Autres s'arrêtent de parler. Que t'es là et qu'il n'y a que toi.
La solitude a des avantages. Des inconvénients. C'est mon tour d'en avoir besoin.
Je suis là, à une heure et cinq minutes, rêvant d'une cigarette miraculeuse. J'suis là et j'sais pas comment formuler. J'ai craché mon cri du coeur tout à l'heure et je viens de le supprimer. Pourquoi ? Parce que je suis libre de mon domaine. Je pleure. Chaque évènement est un coup de poignard. Ils me font tellement mal. Ils me font tellement, tellement mal. Ils sont là et ils me décochent flèche sur flèche. Ils me tiennent la main et me tiennent à leur côté. Ils me tiennent par le cou. Me tisonnent le coeur et regardent comment j'essaie de me débattre. Ils sont là et un par un, ils me font mourir. 

Ils me font mourir et ne comprennent rien. Ne voient rien venir; Rien. J'ai fait beaucoup pour eux. Voire énormément et finalement, lui m'a jeté. Avec méthode, il faut lui reconnaitre cette qualité. Elle m'a cassé en deux. A tourner en rond à refaire un monde qui ne sortira jamais que de nos deux bouches. Souffrir de voir les gens qui doivent être heureux crever dans leurs conneries. Ils m'ont tous fait mal. Me font tous mal. Un mal bien profond, bien compact. Des claques que je n'arrive plus à encaisser.

Une sorte de cassure. Toujours plus profonde. Toujours plus désespérante. Une cassure. Une rupture. Un hurlement du fond de l'être. Cette nature démentielle que je bloque. Société;

Je vous lis. Je vous entend. Je vous vois. Un par un ou tous à la fois et la nausée me tient. Me tient comme jamais, jamais, elle ne m'a tenu.

Je ne peux plus continuer. Et pourtant, il va falloir. Mais c'est fini. Les masques sont tombés. Je  ne serai plus rien. Plus rien. Terminé.

Ils sont là, m'entourent. Me parlent. Me parlent. Me parlent. Ils ne s'arrêtent pas. Et je voudrais tant qu'ils arrêtent. Je voudrais tellement, tellement qu'ils s'arrêtent. Je voudrais à l'infini. Qu'ils se taisent. Que le silence se fasse. Que le silence continue à jamais.

Je n'en peux plus de leurs mensonges. J'en peux plus. C'est fini. Je peux plus supporter le mensonge quand je connais la vérité. 
Je ne peux plus les entendre. Entendre ces mots et ces impasses. Ces rêves brisés qui en seront à jamais. Pourquoi il parle alors ? Pourquoi il parle ? Pourquoi fait il cet effort plutôt que de fermer sa gueule ? Pourquoi ?

Les incohérences me frappent plus durement encore qu'avant. 

Je n'en peux plus de leurs " on aurait pu ", " on aurait du ". J'en peux plus. C'est fini. Je peux plus voir les gens faire demi tour une fois l'embranchement passé. Quand le choix est passé, que la décision est prise. Il ne faut plus regarder derrière. Il faut regarder devant. Et je les entends refaire un passé qu'ils ne pourront plus jamais toucher. On aurait pu, hein. Ta gueule.

Je n'en peux plus des discussions qui tournent en rond. Je n'en peux plus des impasses. Des rêves qui se brisent sur les esprits des cons. Des rêves qui n'arrivent pas à pousser paisiblement.

Mais eux ne le savent pas et pourtant. Pourtant. 

L'année se finit. Le trente et un Décembre s'est entamé et pour une fin d'année, çà sera une fin d'année. Une fin tout court.

Et tu veux que je te dise ? Le summum de l'horreur se tient dans les Nouvelles Résolutions. 
Ils vont arriver et en faire. Allez, disons çà çà et ci.

Foutaises.

" Tu es folle. Tu devrais avoir honte. J'espère que personne ne t'a vu ".
Merci. Merci infiniment de m'avoir laissé parler.
Je crois que jamais encore tu n'as su que j'étais une fille charismatique.
Ben voilà, je te le dis. J'ai du charisme. Une putain de présence.

Alors, je t'ai dit. J'ai dit ces mots que je retenais depuis si longtemps, je les ai lancés dans l'habitacle. 
Je t'ai raconté comment ma vie allait s'écrire. Comment tu n'en comprendrais jamais rien. Comment tu pourrais jamais n'en effleurer un seul instant. Comment tu es un régal à écouter tellement borné, tellement fermé. Et j'ai dit que çà. J'ai dit " je " et je me suis lancée. Et j'ai ressenti une bouffée de bonheur. Le noeud coulant qui m'écorche la peau de la gorge s'est un peu desserré.

J'ai dit " je ". J'ai pensé à moi. J'ai fait que çà. 

J'ai passé trop de temps à me raccrocher aux autres et à me faire piétiner. A me faire bousculer, malmener. Dicter conduite et façon de penser. Explosée en plein vol. J'ai essayé de faire en fonction de Vous. Pour réaliser que je n'étais rien, hein. Rien du tout. Un bouche trou, un prénom. Une présence plus faible, plus incertaine.

Et lui, lui. Putain, lui. J'ai eu tellement pitié. Tellement pitié. Je sais toujours pas ce qu'il cherchait en me disant ces mots remplis de vide et de riens et de mots vides ne servant à rien. Et j'ai pas envie de savoir. Même pas. 

J'écris Je. Et je suis épuisée. S'ils savaient.

"ILS" n'est pas tout le monde. Des moments de douceur sont dispersés dans mon quotidien. Des moments lointains que j'espère pouvoir effleurer un jour. 

Je suis une adolescente profondément agressive, bornée, insultante, vulgaire. J'ai des rêves minuscules. Aucun projet. Aucune organisation, quelques réussites en gris dans son CV. Aucune indépendance. Aucune volonté. Aucune personnalité. Je suis grosse, moche. Boutonneuse. Immense. Mal fringuée. Masculine. Aucun goût. Aucune envie de responsabilité. Aucune envie tout court.

Je rassemble ici tout ce que j'ai pu me prendre dans la gueule. Voilà. Cet amas d'immondices, c'est ce qu'ils ont tous pensé. Oh oui. Même avec de grands sourires et des " bien sur que non " puant de mensonges, leurs yeux cherchaient une sortie. Ecoeurée. Vous comprenez un peu tout ce qui m'arrive ? Je ne suis rien. Rien, rien, que dalle. Rien à vos yeux. je ne suis RIEN. Alors, pourquoi devrais je rester ?

Et je ris. Je ris à la folie. Parce que je suis une femme. Une femme. Peut être hésitante et flageolante. Mais. J'ai des creux, des bosses et de sacrées plaies un peu partout. Je sais pas comment je vais grandir. Mais j'ai d'autres certitudes et d'autres savoirs.

Et je t'ai assez remercié de m'avoir brisé et humilié. Il est temps que j'arrête, tu crois pas ? Moi, j'en peux plus. Tout est écrit, terminé. Relu et réchauffé, çà n'a plus aucun goût, hein. Plus rien. Le bouche trou tire sa révérence. Tu sauras construire avec tes mains. Moi, j'ai besoin des miennes pour attraper ma valise et foutre le camp.
Je remets cet endroit à sa place.
Il m'a fallu le temps.
Je suis là.
Je reste là.
Je serai toujours là.

Toujours. Toujours. Toujours.

How to Save a Life.

C'est tout. Juste çà.


Je voulais écrire sur la femme enceinte que j'ai vu. Sur ma cousine et mon cousin. Sur une reflexion " c'est le bordel, chez vous ". Sur notre séparation. Sur notre distance. Des citations par centaines, aussi. Le vide présent. Les certitudes cassantes. " Cherche pas, cherche pas, cherche PAS! ". Sur ma vision de moi. Je suis pas la fille des vidéos, des photos, des mots écrits. En vrai. En vrai, je suis.. étrangement différente. Mon regard est différent. Je me trouve jolie. Sur les vidéos, je ne le suis pas. Sur les photos, je ne le suis pas. Dans mes mots, je l'ai été. Ne le suis plus. Respire. 

C'est A. qui a dit çà. Alors que ma cousine m'appelait, appelait ma soeur. Que ma soeur criait d'en bas, une histoire de quai et de train. Dis lui de m'appeler! C'est A. qui a dit çà avec un sourire tout de travers alors qu'on s'affairait à ranger l'appart. Qui à la vaisselle, qui au linge propre, qui au rangement des babioles. Il était au milieu de la ruche et il a dit çà.

C'est le bordel chez vous.

çà ne tenait à rien qu'un sms.
" Dis, tu fais quelque chose ce soir ? Et AS ? "
" On fait rien. Tu veux venir ? "
" Je veux venir "

Les plans galère pour trouver un train, sortir de la gare, choisir un lieu de rendez vous, un lieu de rattrapage. Ah nan mais je vais à Paris avec une amie là. Tu te souviens de comment on fait et où çà se trouve ? Les appels à l'arrachée " où c'est que je descends déjà ?! J'prends quoi comme billet ?! Argh, c'est toi qui l'avait fait la dernière fois !! " La copine qui rigole à l'arrière plan. Montparnasse et ses voyageurs. Ces trains Conserve d'une autre ère.

J'ai failli aller sur Paris aussi. J'ai eu envie brusquement. Y'avait le Trocadéro et Lady Gaga. Y'avait la grève aussi. Le temps que je calcule mes trajets, mes correspondances et mes temps de transport, le train de l'heure était passé. Tant pis.
Remarque très importante à l'avenir : Il faut que je me motive pour me doucher et me maquiller tous les matins sauf le dimanche.
Pour parer à toute éventualité. Être prête en deux secondes et sauter dans un train pour une flashmob'. Un ciné ou une réunion inconnue où j'ai pas le droit de me défiler.

Mais les grèves ont pas que du mauvais. Mon cousin s'est retrouvé sur Paris, lui aussi. Chez la grand mère, chez qui aussi allaient mes parents. Ils s'y sont croisés. Ils se sont ramenés tous ensemble. Oh oui, ramenez le aussi!

Et A. au milieu de ce monde. Terrible moment de solitude. J'avais presque mal pour lui. Il est gentil, A. Terriblement prétentieux mais gentil. Et gêné. Pour le coup.

Ils sont partis très vite. Et se sont retrouvés la cousine et le cousin avec la cousine et le cousin. Des histoires de voiture, de jeux vidéos. Des secrets lancés au milieu de silences assourdissants. Et une ambiance très rare. Un truc sur le pouce. Typiquement ce que je veux pour le reste de ma vie.
Tu viens et tu ne te poses pas de question. Allez, viens.

Et quelques mots. Des morceaux de vie qu'elle m'a racontée avec le sourire et une innocence impressionnante.
Des histoires d'amis qui font le tour de l'Europe chaque été. Des vacances entre amis, en Corse, en Espagne. Dans le Sud de la France.
Des histoires d'amis aux maisons de vacances immenses. Des histoires de. Vies.
Différente de la mienne. Le genre de vie que j'aimerai vivre, que je crève de vivre.
Qu'ils vivent avec leur insouciance typique. Avec l'insouciance qu'il faudrait à tout gamin.
Et elle souriait en me racontant çà. Je me suis cassée la gueule derrière le sourire que je lui renvoyais.
J'ai pensé à toi. A tout. A rien. Ce rien qui nous caractérise tellement bien.
J'ai dit. J'ai lancé " ouais, c'est la vie dont je rêve, çà "
C'est sorti d'un coup. Elle s'est arrêté, s'est tortillée sur mon lit. A souri, encore.
Et a continué après que j'ai ri un peu. Ajouté un " Surtout, profite. Profite à fond ".
Surtout, surtout que moi, je sais ce que çà fait de ne pas vivre ce genre de choses.

Cet été, çà sera la Grèce. çà sera Mykonos et Santorin.

On a parlé de la cousine qui criait naufrage à Lyon. Le manque de nouvelles, les inquiétudes.
Les déceptions.

Et c'était trop con comme soirée. Un truc entamé le jour même qui s'est terminé vers une heure du matin, en regardant la cousine fouiller son sac pendant dix minutes sur le pas de sa porte. Le fou rire qui s'est ensuivi. Le sms qui dit " j'ai passé une super soirée ".

Mon cousin, il est beau. Non, pas "beau beau". Il est beau. Je me suis toujours dit que je voulais un garçon comme lui, pour "plus tard".

Non, je suis pas amoureuse de mon cousin. Mais si je pouvais le faire, je mettrai volontiers toute ma grande carcasse contre sa grande carcasse. Un petit moment, pour continuer quelques années encore. Mais on est trop loin maintenant. Paumés à des années lumières. Et jamais on ne pourra trop recoller les morceaux. Jamais, cherche pas.

On pourrait se faire un truc entre cousines, cette année, tu crois pas ? Au moins toutes les trois. Et voir si la lyonnaise arrive à se joindre à nous. 

Je garde l'idée.

Mais en fait, .. C'est le bordel chez vous.
C'est valable tout le temps. Jamais personne ne connait les horaires de l'autre. Jamais personne n'est à la maison. Ce sont les chaises musicales. Un roulement incessant. Et c'est çà dont je ne me suis jamais rendu compte avant. C'est toujours le bordel chez nous. Toujours.
Que ce soit le linge ou la table à repasser dans le salon. Que ce soit les clés qui quittent le panier à tour de bras sans qu'on sache très bien qui a qui et qui est où. Que ce soit cette impossibilité de travailler le samedi.
Soit on ne peut vivre ensemble. Soit.. on ne peut pas vivre ensemble. Des étrangers à l'hôtel.
Quoique je me retrouve une complicité étrange avec mon père.
On est jamais content de ce que l'on a. On voit toujours chez le voisin quelque chose de mieux.
Souvent, c'est aussi sordide sous les couches de bien être mensonger.
Et.. à chacun sa recette, de toute manière.


La femme enceinte, elle était magnifique. Je la dévorais des yeux, la bouche amère. Elle était belle, belle, belle.
Elle avait mal aussi. Je n'ai pas vu tout de suite qu'elle était enceinte. C'est quand elle s'est assise juste en face de moi que j'ai vu son ventre rebondi et étrange. Elle avait mal. Se tenait à deux mains. J'étais inquiète et complètement envoûtée. Je n'osais lui adresser la parole. Alors je la regardais encore et encore. C'est bien la première fois que je fixe une femme ainsi. J'aime bien. C'est elle qui m'a adressé la parole. J'étais sèche, un peu mal à l'aise. De Gaulle, c'est où çà? Le mail, vous savez. Ah oui! à côté de la poste, c'est çà ? Oui.. sourire. Alors oui, il y va bien ce bus.
Mon sourire a pas voulu sortir. J'étais glaciale. Maussade. Complètement à l'envers de ce que je ressentais.
Pfff.

Je ne suis jamais moi. Je suis toujours à côté.

Et pourtant, quand elle est descendue, elle m'a remerciée et j'ai enfin pu être "humaine". Lui sourire et lui souhaiter une bonne journée.


Les certitudes cassantes, ce sont les vieux démons qui reviennent. Le retour de ma laideur.


" J'aimerais que quelqu'un m'aime "
Pas l'amour d'une mère ou d'une soeur. L'autre. Celui qui porte la majuscule. Amour.
L'autre certitude, c'est que je ne le connaitrai jamais. C'est con. Peut être.
Mais c'est imprimé. J'espère tout le temps. Je croise des regards.

Avant, je me croyais jolie dans leurs regards. Et finalement, je suis juste.. moche.
Quand je me croise dans les boutiques de journaux, je baisse les yeux. J'ai envie de m'enfoncer dans le sol.
Soustraire mon visage au paysage urbain.

La fatigue y est peut être pour beaucoup.

J'espère tout le temps. Je rêve de mariage, je rêve dans les films.
Je m'imagine à la place des femmes dans les couples que je croise.
Je me pose plein de questions.

Ce sont quoi les sensations ? Une main étrangère sur toi ? Des lèvres ? Une étreinte ?

Je suis vide. Vide de contacts, vide de sentiments. Vide d'attentions, vide d'importance.
Je me maintiens ici par espoir. L'espoir con qui dit chaque matin " Allez, ma fille, espère. Aujourd'hui, tu sais pas ce qui va se passer ".
En général, il ne se passe rien.



Oh, et ce garçon dans le train, cet après midi.
Je lisais Gavalda et j'ai levé les yeux. Il était assis, son casque sur les oreilles, en face de moi.
Une femme lui a mis un papier sous le nez. Sa surprise était amusante. Il était embêté, n'a pas su renseigner la dame.
Je l'ai surement trop regardé parce qu'en le voyant, je me suis souvenue de T. Il lui ressemblait un peu.
Tu es "folle" quand tu commences à rire toute seule. Le livre ne m'aidait pas. Lui non plus.
Je n'ai pas détourné les yeux assez vite. En général, je suis toujours très douée pour fuir.
On s'est vu, une infime seconde. Et puis encore une autre. Encore une autre.
Plus longtemps la fois d'après. Et je continuais à lire mon livre.
Et je doutais. C'est lui, pas lui ? T'imagines, on se rencontre par hasard pour la première fois, dans le train qui va même pas à son terminus ?
Mon voisin mettait son pied sur mon sac, involontairement. il essayait de faire attention. Mais non.
J'ai croisé le regard de mon Doute dans un habile jeu de miroir. Dans le tunnel, tout le monde est visible si tu cherches le bon miroir.
Et on s'est revu. En miroir, en vrai.
T'es qui, bon sang ? Il revenait à la charge. Moi aussi.
Je savais pas quoi penser. Je voulais pas penser à mon visage. A tous les trucs qui cassent en deux.
Alors, je me suis levée à la sortie du tunnel. Mon voisin s'est plaqué à son siège, a tourné son corps dans l'allée, m'a regardé, m'a laissé passer. Bon voyage.
Je n'ai pas cherché une dernière fois, le regard de mon Doute. J'ai filé.
Comme d'habitude.
Et en me plaquant contre le paysage à la fenêtre, j'ai surpris le regard de mon voisin.
Qu'est ce qu'il pouvait bien penser en me regardant ainsi? 

C'est toujours l'éternelle question.
Pourquoi il me regarde ? Je lui plais ? Non ? 
Il s'en fout ?
Pitié.

C'est qu'une question de réseau. De relations. De hasards.

Et de solitude accrochée aux semelles.
Et des fois, c'est impressionnant. La Solitude.


J'arrive pas à dormir. Je rêve trop. J'voudrais une vie pas comme la mienne. Je voudrais t'enlever toute cette colère avant de partir. Je voudrais une famille Esprit de Famille. Je voudrais des amis La Consolante. Je voudrais un bébé avec un homme Un Jour de Plus. Je voudrais des ongles rouge cramoisi. Je voudrais. Une Liberté Nouvelle. Et surtout, t'embrasser. Chastement sur la joue. Ecrasant un Merci entre mes lèvres et ta joue. Laisse moi. Faire.
J'ai rêvé de mon mariage.

Je m'y voyais, retirant ma robe dans une salle de bain immense.
Même ma robe de princesse me semblait insupportable à porter.
Je me voulais nue.
Dans mon rêve, tout était simple. Elle glissait sur le sol.
Dans la réalité, je suppose que çà doit être plus compliqué.

Et y'avait mon "mari" qui arrivait, finalement.
Prévenu de ma brusque envie de tout retirer.
Evidemment. Il savait tout sur tout et il acceptait.
Par contre, je n'ai pas su s'il était prêt à me suivre.
Mais pour qu'on en soit au mariage, surement qu'il acceptait mes brusques envies.

Et j'étais bien, là avec lui, alors qu'on faisait l'amour. Comme çà, en douce.

J'ai envie de faire l'amour avec quelqu'un.
C'est une envie physique qui me contracte le bas ventre.
Je regarde les hommes dans la rue et des fois, j'imagine leurs mains sur moi.
Mes mains sur eux. çà fait comme une déchirure en bas.
Je reste seule avec ma solitude et mes envies inassouvies.
Evidemment.

J'ai envie de toucher, de palper, de masser, d'étreindre.
De caresser, de serrer, d'enfoncer mes ongles.
J'ai envie d'embrasser, de lécher, de mordre.
J'ai envie de faire du bien et un peu de mal.
J'ai envie de plaisir et de douleur. Légère douleur.

J'ai envie de le faire à deux et pas seulement toute seule avec moi même.

Je me dis que çà doit pas être compliqué.
Et pourtant, je reste seule.
Ma peur des hommes s'est atténuée. Tranquillement, sans que j'y fasse attention.
Je suis moi, un peu à côté de la plaque.
Et, des fois, j'espère qu'on me trouve jolie.
Mais, le plus souvent, je reste souriante et drôle.
Dépitée tout au fond.

Si seulement, je pouvais lui manquer.
Calogero parle de son père. Moi, je parle pas du mien.
Je reprends sa phrase. Pas le sujet du Lui. 

Ma mère mange des noix. Je lis un livre qui me démange la chair. 

Les errements des humains. Pourquoi tout est aussi compliqué, aussi dur ?
Les gens se parlent et puis s'arrêtent.
Ils se disaient tout. Se trahissent et ne se parlent plus.
Cette histoire raconte çà.
Elle raconte aussi la cassure des corps. La fatigue du silence.
Ils étaient fusionnels. Onze ans à se chamailler, à voyager, à vivre, se raconter chaque jour.
Des heures et des heures.
Et pourtant, c'était pas idyllique, la connerie de la vie humaine.
Elle était indépendante, solitaire. Comme lui.
Il se disait qu'elle le laisserait tomber, qu'elle pourrait vivre sans lui malgré ce qu'elle disait.
çà lui "retournait les entrailles". Comme elle.
Et Elle, c'était de sa faute.
La trahison ultime et la colère qui dévaste tout ensuite.
Qui saccage, maltraite et démolit des corps qui se cherchent de manière lamentable.

C'est con, un être humain.

Le silence me fait peur. Et je l'avais marqué dans cet article caché : je n'ai de place dans aucune vie que je connais.
J'aimerais que quelqu'un ait besoin de moi. Que je manque à quelqu'un. Que je sois importante aux yeux de quelqu'un.
Que mon avis importe. Qu'on me cherche. Qu'on s'inquiète de savoir comment je peux aller.
Qu'on ait envie de me voir. Qu'on fasse le premier pas.
J'aimerais avoir une place quelque part, dans une vie.
J'aimerais être importante, oui. Un rôle massif dans la vie d'une personne.
Je suis fatiguée d'être seule et de me mentir. De tenter de sauver ce qui peut l'être alors que
la colère me ronge de l'intérieur.
Elle m'a énervée tellement fort quand je l'ai vue. J'ai cru que je n'arriverai jamais à me contrôler pour ne pas
lui jeter à la figure ma colère qui bouillonnait. Ma hargne vis à vis d'elle et de son sourire tout doux, heureux de me voir.
Lui mordre la figure, cacher cette douceur qui me rend rageuse. Envie d'exploser, de lui lancer en vrac et tout gâcher.
Avoir changé de cap. Ne pas pouvoir le partager avec ces gens. Il n'y a que lui qui sait.
Avoir changer et pourtant, ne pas arriver à le montrer. Se retrouver à se justifier de la vérité.

J'ai envie de faire l'amour.

J'ai envie d'un Lui. En chair et en os.
Un avec qui tout serait mis sur la table. Qui comprendrait, me suivrait même.
Un qui me ferait confiance. Un à qui je ferai confiance.
Un avec qui je me sentirai sure de moi. En sécurité.
Un que je pourrais toucher, aimer et considérer comme "mien".
Un qui ferait une bulle. Un qui.. me prendrait la main dans la rue.
Un qui se retournerait inquiet pour m'attendre à la sortie du métro.
Un qui se laisserait embrasser à n'importe quel moment.
Un qui me prendrait.
Un qui aimerait mon corps, autant que je peux l'apprécier, si ce n'est plus encore.
Un qui me laisserait montrer tout ce que je pourrais offrir.
Un qui serait pas forcément parfait mais bourré de défauts.
Un qui se laisserait faire. Un peu. Le temps que la communication s'établisse.
Un qui me laisserait l'approcher.
Un qui ne se démontrerait pas devant ma colère, ma rage et mon agressivité.
Un qui prendrait le temps.
Un qui resterait là, tout simplement.

Je suis vide. Et je déborde de partout. Rien n'est contenu. J'explose devant les interdits.
Je regarde les gens et je demande à chacun s'ils sont heureux.
Je les vois qui se précipitent. Courent. Visitent.
Mais sont-ils heureux, ces gens ?

Le Luxembourg est encore plus beau à l'automne.

Il y a une exposition de photos qui court le long des grilles. Des photos qui parlent de trains et de gens.
J'étais en retard ce matin mais je me suis arrêtée quand même.
Devant un lac immense.
Devant deux soeurs endormies l'une contre l'autre.
Devant cet.. androgyne. Homme magnifique ou femme merveilleuse.
Je ne saurais dire. Mais son attitude. Sa grâce.
Comme le garçon dans je ne sais plus quel clip. Ce métalleux, qui croise la blonde bohème dans le métro.
Ils se prennent en photo au même moment. Elle va s'exciter sur une guitare. Il va lire Roméo & Juliette.
Cet homme, maquillé, est magnifique. Je ne saurais dire d'où vient cette beauté que je lui trouve. 
Mais il est incroyable.

J'ai besoin de quelqu'un. J'ai envie d'un corps la nuit. La journée, le soir. Au réveil comme au coucher.
Envie d'un corps. D'une personne. D'une personnalité. De bras, de jambes, de mains, de doigts.

Chut.

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